Rôles/$(devoirs) $(de) l'enseignant et l'étudiant

Philippe Martin

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Plan

1. Raisons de ces devoirs : les buts et moyens d'enseignements à l'université 1.1. L'utilité (de la formation d'un étudiant) pour la société (contribuables, employeurs, ...) prime sur la satisfaction des désirs à court terme des étudiants dont l'éducation est subventionnée 1.2. Réactions possibles face à la diminution du niveau des bacheliers (nouvelle section pour septembre 2024) 1.2.1. Constat et causes de la baisse du niveau des bacheliers 1.2.2. Nécessité de l'accroissement des compétences spécialisées et du maintien des compétences générales basiques 1.2.3. Qualités minimales d'un étudiant sur lesquelles l'université doit s'appuyer et qu'elle doit développer 2. Rôles/devoirs de l'enseignant 3. Rôles/devoirs de l'étudiant 3.1. Avant chaque cours 3.2. Pendant/pour chaque cours 3.3. Après chaque cours 3.4. À propos des retours [feedback] des étudiants 3.4.1. Retours DIRECTS durant la période du cours (+ EEEs en fin d'année scolaire) 3.4.2. EEEs : Évaluations (de l'organisation administrative) des Enseignements par les Étudiants 3.4.3. Nécessité d'une argumentation correcte 3.4.4. À propos de questions Wooclap notées et des devoirs maison

1. Raisons de ces devoirs : les buts et moyens d'enseignements à l'université

Objectif de cette section puis de ce document. Depuis 2021, les nouveaux étudiants ont maintenant souvent du mal à comprendre ce que l'université attend d'eux : autonomie, efforts et analyse dans l'apprentissage, rigueur, ... (détails en section 1.2.3). Cette section explique ces attentes générales de l'université (qui justifient les rôles/devoirs cités en sections 2 et 3) et donne quelques raisons pour leurs décalages avec les nouvelles attentes des étudiants sortant du lycée. Plus généralement, pour les étudiants des cours référant à ce document, celui-ci explique les choix de conception de ces cours, de leurs méthodes pédagogiques et de leurs méthodes d'évaluation – choix logiques dans un contexte universitaire et possiblement différents de ce que ces étudiants ont connu au lycée. Concernant les évaluations, ce document peut être vu comme une forme générale d'un barème et de ses raisons sous-jacentes.

1.1. L'utilité (de la formation d'un étudiant) pour la société (contribuables, employeurs, ...) prime sur la satisfaction des désirs à court terme des étudiants dont l'éducation est subventionnée

L'enseignement français est fortement subventionné (i.e., le coût de l'enseignement d'un étudiant est en majorité supporté par les contribuables, plutôt que par les frais d'inscription payés par l'étudiant) et donc

  1. le but premier de l'école est la satisfaction des attentes sur le long terme des contribuables, des employeurs et des étudiants (→ la qualité et contenu des enseignements), cette satisfaction pouvant s'opposer à la satisfaction à court terme des étudiants ;
  2. l'étudiant travaille non seulement pour lui-même, mais aussi (par contrat moral) pour les personnes subventionnant son éducation. Que l'étudiant ait pu intégrer sa filière préférée ou pas n'est pas un paramètre pertinent pour ne pas étudier de manière sérieuse : sa décision de s'inscrire est son engagement à ce sérieux (quitte à se réorienter plus tard, lorsqu'en connaissance de cause, suite à ses efforts) pour que la subvention qui lui est donnée ne soit pas plus ou moins gâchée alors qu'elle aurait pu être utile à d'autres personnes.
Explications et chiffres :

1.2. Réactions possibles face à la diminution du niveau des bacheliers

1.2.1. Constat et causes de la baisse du niveau des bacheliers

L'expression "la licence est le nouveau bac" réfère essentiellement

L'expression "la licence (→ diplôme de fin de L3) est le nouveau bac" implique a minima qu'au moins certains étudiants de L1 en septembre 2022 avaient un niveau de fin d'une ancienne troisième (d'il y a 20 ou 40 ans) au moins dans quelques matières de quelques L1. Un cas évident est qu'en septembre 2022, en mathématiques, les étudiants qui se sont inscrits en L1 Informatique alors qu'ils n'avaient plus (ou presque plus) fait de math depuis la seconde (incluse), avaient bien en mathématiques un niveau de fin d'une troisième récente (celle de l'année scolaire 2018-2019) et donc, probablement (voire a fortiori, en mathématiques), d'une troisième d'il y a 20 ou 40 ans. Ces étudiants se sont inscrits en L1 Informatique malgré le contenu mathématique de cette licence et les pré-requis signalés sur Parcoursup. Rattraper son retard vis-à-vis des pré-requis de chaque matière en L1 Informatique n'est pas très difficile, mais cela doit être effectué et il n'est pas légitime de se plaindre de tels pré-requis. En septembre 2022, en L1 Informatique (à l'Université de La Réunion, entre autres), certains étudiants ne savaient pas effectuer des multiplications ou des divisions sans calculatrice, et une bonne part (peut-être la majorité) d'entre eux ne savaient pas effectuer une règle de trois (ni donc, pour généraliser tout en restant à un niveau de troisième, résoudre un système d'équations linéaires même avec seulement 1 ou 2 inconnues). Les deux derniers exemples citent la L1 Informatique de l'Université de La Réunion (puisque j'y enseigne) mais je ne vois pas pourquoi elle serait différente d'autres L1 dans d'autres universités (excepté bien-sûr celles qui sont sélectives).

Au-delà de l'absence de connaissances que l'université n'a pas le temps de rattraper, une bonne part des nouveaux étudiants à l'université ont – notamment depuis septembre 2022, pour les raisons évoquées ci-dessus – des "seuils maximums d'efforts d'étude" et des "attentes de démagogie" incompatibles avec les nécessités de l'enseignement universitaire/supérieur ou de l'insertion+réussite professionnelle (c'est d'ailleurs fin 2022 que l'écriture de la première version de ce présent document s'est avérée nécessaire ; pour la majorité des précédents étudiants, il semble que le contenu de ce document était implicitement connu). Ceci sera détaillé dans les sous-sections suivantes et de nouveau illustré en section 3.4.3. Il n'y a rien d'élitiste derrière cette notion d'incompatibilité et les "qualités minimales d'un étudiant sur lesquelles l'université doit s'appuyer" (section 1.2.3) : il s'agit juste de liens entre "apprendre avec l'efficacité requise" (pour les études et ensuite le travail professionnel) et les "efforts requis correspondants" cités.

1.2.2. Nécessité de l'accroissement des compétences spécialisées et du maintien des compétences générales basiques

L'université enseigne et évalue des savoirs ou, in fine, des compétences. Une "compétence" (i.e., un "savoir-agir dans une famille de situations") est, entre-autres, une mobilisation et combinaison efficace d'une variété de

Compte tenu de l'accroissement de la technologie et des savoirs, les compétences à enseigner par l'université dans chaque domaine spécialisé ne peuvent que s'accroître. Or, le volume d'heures d'enseignement peut rarement être étendu. Des stratégies pour compenser cet accroissement de compétences spécialisées sont :

Note : les contenus et les pré-requis des programmes en Licence et en Master résultent d'un ordonnancement de l'ensemble des notions à enseigner – en 5 ans – suivant leurs degrés de généralité (et donc de ré-utilisabilité ultérieure) et, mais c'est souvent corrélé, de leurs degrés de simplicité/complexité pour des étudiants sérieux ; pour de nombreuses notions, les enseignants-chercheurs peuvent ainsi assez facilement estimer leur appartenance à un certain niveau (e.g. L1) et la nécessité de les intégrer ou non à leurs cours.

Il est également important de maintenir (ou d'accroître) l'enseignement des compétences générales basiques (liées à des domaines particuliers ou non) puisqu'elles facilitent l'acquisition de nouvelles connaissances, que chaque domaine est amené à évoluer, et qu'une vie professionnelle amène à toucher à divers domaines. Il n'est pas ici référé à des notions de littératie (classique, numérique, physique, ...) mais aux processus/méthode de raisonnement sous-jacents aux autres, dans des domaines particuliers ou pas. Parmi les processus/méthodes les plus basiques – et donc parmi les compétences générales basiques les plus importantes à acquérir, même si rarement enseignées et évaluées directement – se trouvent :




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                       (une source pour ces images est accessible en cliquant sur elles)
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Des exemples de compétences générales moins basiques mais récurrentes (donc importantes) sont :

L'acquisition de compétences spécialisées dépend de l'acquisition de compétences générales basiques, et celles-ci dépendent souvent étroitement de qualités minimales (que l'on attend d'un étudiant, d'un universitaire et, par exemple, d'un scientifique) : l'envie d'apprendre, l'autonomie, l'attention aux détails, la rigueur, l'honnêteté intellectuelle, etc. La sous-section suivante détaille ces qualités.

1.2.3. Qualités minimales d'un étudiant sur lesquelles l'université doit s'appuyer et qu'elle doit développer

Les qualités listées ci-dessous sont requises pour beaucoup de cours à l'université (comme pour beaucoup d'autres tâches ou travaux), ne serait-ce que pour des questions d'efficacité minimale dans l'enseignement/apprentissage à un niveau universitaire. Ces qualités sont typiques d'un "esprit universitaire, de la part d'un étudiant". Ces qualités sont difficilement inculquables directement par CMs, mais les requérir poussent les étudiants à les acquérir ainsi que les compétences dépendant d'elles. De fait, traditionnellement, ces qualités minimales étaient en majeure partie acquises au lycée, par nécessité pour les lycéens. Ci-dessous, deux grands groupes sont donnés pour les qualités mais celles-ci sont aussi dépendantes les unes des autres.

Il est assez facile pour un enseignant de voir si un étudiant est sérieux, i.e., s'il fait les efforts décrits par les qualités cités ci-dessus, e.g., s'il prépare ses cours, si ses réponses à l'oral sont logiquement argumentées, s'il effectue des retours constructifs sur des cours ou tests en signalant des typos ou des ambiguïtés éventuelles après avoir bien lu les consignes et le cours, etc. À l'université, il semble que les étudiants sérieux et aimant leur discipline aient peu de problèmes dans leurs études : des aptitudes particulières – en plus d'être sérieux – sont moins cruciales pour réussir que dans d'autres établissements. E.g., pour réussir dans les classes préparatoires (aux grandes écoles) sélectives, à moins d'être très doué, il faut avoir l'aptitude d'apprendre de nombreuses connaissances abstraites dans divers domaines, en travaillant plus de 10 heures quasiment chaque jour, sur plusieurs mois.

Conclusion de cette section 1. La baisse du niveau des bacheliers et l'accroissement des connaissances à enseigner pour l'insertion+réussite professionnelle restent pour le moment conciliables pour des étudiants sans aptitude exceptionnelle mais sérieux et aimant leur discipline. L'usage de techniques comme les "scores NCE" ["grading/marking on a curve" (!= "normalizing grades")] est – hors examens de sélection – généralement démagogique dans la mesure où elles permettent à une promotion d'étudiants de travailler de moins en moins tout en conservant une moyenne générale ajustée de 10/20. On imagine bien les conséquences désastreuses que l'adoption de telles techniques (heureusement très rarement utilisées en France) peuvent avoir si utilisées en école de médecine, mais la situation est en fait la même dans la plupart des disciplines, dont l'informatique.

2. Rôles/devoirs de l'enseignant

Hors du rôle de l'enseignant :

3. Rôles/devoirs de l'étudiant

3.1. Avant chaque cours

3.2. Pendant/pour chaque cours

3.3. Après chaque cours

Selon l'avant-dernière page de ce document d'informations générales pour la Licence 1 à l'UFR ST de l'U.R., chaque heure de cours doit engendrer environ 4h de travail personnel de la part de chaque étudiant.

3.4. À propos des retours [feedback] des étudiants

3.4.1. Retours DIRECTS durant la période du cours (+ EEEs en fin d'année scolaire)

Comme signalé plus haut, un étudiant qui rencontre un problème durant un cours ou relatif à un cours (e.g. problème de connexion ou relatifs au support de cours) doit en faire part sans attendre et directement à l'enseignant de ce cours.

3.4.2. EEEs : Évaluations (de l'organisation administrative) des Enseignements par les Étudiants

Conformément à l'article 23 de l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au diplôme d'études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise et à la précision du Conseil d'état du du 29 décembre 1997, les EEEs sont obligatoires pour l'ensemble des cours et pour chaque étudiant (la nécessité de l'anonymat des étudiants n'est pas mentionnée dans les textes officiels) et doivent distinguer les questions des 2 types suivants dans deux parties bien distinctes (si les EEEs n'ont pas deux telles sous-parties distinctes, toutes les questions doivent être du 1er type dans la liste ci-dessous, i.e. la seconde partie est optionnelle) :

  1. les questions concernant la définition et l'organisation administrative de l'ensemble des cours (thème, heures, ...) proposés à une promotion ;
  2. les questions concernant les éléments pédagogiques du cours (supports de cours, explications orales, ...) ;
    les évaluations relatives à cette partie (et donc les remarques contenues dans cette partie) sont uniquement destinées à (et, légalement, lues par) l'enseignant du cours en question, puisque c'est le seul à pouvoir prendre en compte ces évaluations et même, très souvent, à les interpréter (e.g., affirmations non argumentées ou basées sur une attente de pratiques démagogiques). Plus généralement, même si la loi ne le mentionne pas, pour qu'une remarque puisse être comprise et prise en comptes par l'enseignant, il faut qu'elle soit fournisse une argumentation correcte et constructive. La section 3.4.3 précise ce que cela implique.
    Dans la pratique, seul un dialogue (direct ou via un média permettant de respecter l'anonymat des étudiants, e.g. Zoom) peut être effectif. Les étudiants doivent donc signaler directement à leur enseignant tout problème potentiel, aussitôt que possible, comme indiqué plus haut.

C'est pourquoi beaucoup de facultés ne proposent que le questionnaire concernant la définition et l'organisation administrative des cours d'une promotion et laissent les enseignants qui le souhaitent organiser leurs propres sondages sur les éléments pédagogiques de leurs cours.

3.4.3. Nécessité d'une argumentation correcte

Pour qu'une remarque d'un étudiant puisse être prise en compte, il faut qu'elle repose sur des arguments corrects.

Voici une liste d'exemple de problèmes sous-jacents à des remarques non correctes et qui peuvent parfois susciter la même réaction que les remarques connues sous le nom de "perles d'école" ou de "perles du bac". Les exemples (de remarques d'étudiants) donnés ci-dessous sont en italique, délimités par des guillemets (et conservent donc les fautes d'orthographe de leurs sources) et sont parfois abréviés ou factorisés (→ utilisation de "..." et de "/").

3.4.4. À propos des questions Wooclap notées et des devoirs maison

Comme indiqué de manière plus détaillée en section 2, les questions Wooclap notées durant un cours (CMs, TDs, TPs) – et les devoirs maisons post-CM pré-TD – se sont avérés des outils utiles et efficaces pour inciter et évaluer "une attention et un apprentissage qui soient réguliers et suffisants" de la part de bon nombre étudiants, sans lequel ceux-ci se trouvent très vite dépassés.

La sous-section précédente (la 3.4.3) illustre des critiques – non argumentées ou à l'argumentation non correcte – concernant l'usage de tels outils. De plus, les évaluations des Wooclap et DMs ne devraient pas générer de stress, tant par leur contenu que par leurs faibles poids dans la note finale : si un cours a un CT (-> 50% de la note finale), 2 CCs principaux plus des questions Wooclap/DMs, le poids total de ces questions n'est de 1/6 de la note finale. Au contraire, ces questions sont destinées à augmenter la note finale des étudiants, tant par leurs avantages déjà cités sur l'apprentissage, que par le fait que bon nombre d'entre elles préparent aux CCs principaux.

Les questions (de Wooclap ou de DMs) sont adaptées au moment particulier où elles sont posées (CM, TD ou TP). Les décaler à un cours ultérieur serait dommageable autant directement (e.g. cela induirait un retard dans la correction d'interprétations erronées ou incomplètes par certains étudiants) qu'indirectement (e.g. cela réduirait le temps nécessaire pour voir des notions qui doivent être vues ou approfondies dans le cours suivant).